En publiant le manifeste de la Coalition pour l'avenir du Québec, François Legault avait promis aux enseignants une importante augmentation de salaire.

Mais il n'avait pas dit qu'il comptait mettre fin à leur sécurité d'emploi.

L'ancien ministre péquiste va lancer un énorme pavé dans la mare la semaine prochaine avec la publication du volet «éducation» de la plateforme de sa coalition. Il a rencontré depuis la mi-février pas moins de neuf groupes de ce secteur, davantage pour les prévenir de ses orientations que pour entendre leurs propositions.

Dès le lancement de son opération, M. Legault avait indiqué que les enseignants méritaient d'importantes augmentations de salaire, de l'ordre de 20%, une facture que le gouvernement pourrait se permettre selon lui s'il dégelait les tarifs sur le «bloc patrimonial» d'électricité.

Mais cette augmentation est assortie de conditions. Pour la coalition de François Legault et de Charles Sirois, ce sont les directeurs d'école qui devraient embaucher, choisir les enseignants. Ces derniers, mieux payés, seraient désormais embauchés pour des contrats à durée fixe, de trois ou cinq ans, a expliqué l'ancien ministre à une série de groupes. Pour les professeurs, syndiqués, qui jouissent d'une solide sécurité d'emploi, il s'agit d'un changement majeur.

Un plan déjà contesté

Il faut s'attendre d'ailleurs à ce que plusieurs groupes forment immédiatement une coalition pour dénoncer M. Legault sur la place publique. Les discussions ont été animées avec la CSD, c'était prévisible. «Ils sont pour la hausse de salaire mais contre l'évaluation des professeurs», résume-t-on chez Legault.

Mais la grogne, la colère même à l'endroit des propositions de la coalition déborde largement les rangs syndicaux - les commissions scolaires et les parents prépareraient aussi une mobilisation de leurs membres pour bloquer ces intentions. On souligne que le plan de match de Legault n'est pas réaliste, on ne peut appliquer ces critères de résultats aux écoles des milieux défavorisés ou aux établissements qui comptent une poignée d'élèves. Legault propose de passer d'un réseau public «à une série de petites écoles privées», résumera-t-on.

Sans détour, François Legault concluait ses rencontres par la même prévision. Il soulignait envisager la création d'un parti politique si ses idées n'étaient pas reprises par un parti existant. Depuis le début, le chef adéquiste Gérard Deltell joue de prudence en commentant le plan de match de l'ancien ministre péquiste.

Hier un proche conseiller de M. Legault a confirmé que l'abolition de la permanence pour les enseignants fera partie de ses propositions. Mais les directeurs d'école n'auront pas droit de vie ou de mort sur leurs enseignants, un licenciement devra être précédé de constats très clairs, explique-t-on. Les augmentations de salaire des enseignants seront déterminées par la performance de leurs élèves.

Contrats de performance

Même logique pour les directeurs d'école. Ils seront choisis par les parents, mais les mécanismes restent à définir. Leur rémunération sera fixée sur la performance de leur école. François Legault reste proche des «contrats de performance» qu'il avait voulu mettre en place pour les universités et les cégeps durant son séjour à l'Éducation, sous le gouvernement Bouchard. Passé par la suite à la Santé, sous Bernard Landry, il avait voulu administrer la même médecine aux hôpitaux.

Le document devait être rendu public mardi, à Montréal. Chez François Legault, on se contente de dire que ce sera «pour la semaine prochaine». Aussi, le manifeste ne portera pas le titre de sa version de travail, «Le pouvoir aux parents».

Abolition des commissions scolaires

Dans les luxueux bureaux de Charles Sirois à Montréal, les syndicats et les associations de parents ont aussi appris que les commissions scolaires seraient abolies dans son plan de match. Un imbroglio constitutionnel est à prévoir parce que les commissions scolaires désormais linguistiques sont inscrites dans la Constitution. M. Legault remplacerait les commissions scolaires par 20 «structures», calquées sur le modèle des agences régionales en santé. Prolongement du ministère de l'Éducation, elles ne seraient pas dirigées par des commissaires élus au suffrage universel. Leur territoire correspondrait aux régions administratives du Québec. M. Legault mettait en doute la légitimité des commissaires, compte tenu de la faible participation aux élections scolaires.